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 Histoire d'Alésia la Moniale Ascalonienne

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Isis Fleur De Lotus
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MessageSujet: Histoire d'Alésia la Moniale Ascalonienne   Histoire d'Alésia la Moniale Ascalonienne Icon_minitimeMar 2 Oct - 19:47

Voici une histoire que j'ai écrite en m'inspirant d'un valeureux guerrier membre des FD, et quelque peu absent pour le moment (à notre très grand regret Sad ). Je vous en mettrais un petit bout chaque jour (ben oui, il faut bien conserver un peu de suspense, non? Wink )

Un jour, Isis la Moniale voulut se reposer après une quête particulièrement ardue et traumatisante. Comptant se relaxer et retrouver un peu de ses origines, elle retourna au Sanatorium, bien triste copie de l’Abbaye d’Ashford où elle avait fait ses classes.
Avant la Fournaise, le lieu majestueux de sérénité s’élevait avec fierté dans la douce campagne. A présent, tout n’est plus que ruines et désolation… Oh, le silence et le calme sont toujours là, mais ils sont d’une autre nature : ils sont aujourd’hui synonymes d’oppression, de terreur et de mort. Cependant, le Sanatorium restait aux yeux d’Isis un refuge, cachant en son sein le sanctuaire de la douce Dwayna, déesse de la vie et de l’air, aimée des moines et moniales.

Ne supportant plus la vue pitoyable des réfugiés de passage, Isis préféra s’isoler afin de méditer. Elle gagna donc un bâtiment à coup sûr vide : la bibliothèque. Là était entreposé ce qui avait pu être sauvé des flammes, bien peu en réalité : quelques livres de lois, des traités de philosophie et d’histoire, une petite douzaine de recueils de poésie. Voilà à quoi se résumait aujourd’hui la civilisation du royaume d’Ascalon. Combien d’œuvres inestimables avaient brûlé ? Combien d’historiens, d’artistes, de savants, d’innocents avaient péri ?... Nul ne le saurait jamais. Il faudrait tout reconstruire pierre par pierre, page par page. Toutes à ses sombres pensées, la jeune moniale désabusée inspectait les étagères peu garnies, quand elle trouva fortuitement, coincé entre deux vieux grimoires poussiéreux un manuscrit peu épais d’aspect neuf.

Curieuse de nature, Isis extirpa délicatement le document et parcourut des yeux les premières pages. Quelle ne fut sa surprise en constatant qu’elle en connaissait l’auteur. Et même très bien !...

Oubliant un temps sa mélancolie malsaine, Isis, dévorée par la curiosité, se mit immédiatement en quête d’un endroit confortable et éclairé. Mais cela était denrée rare en Ascalon, ces temps-ci. Aussi décida-t-elle de patienter. Au prix d’immenses efforts, elle remisa le manuscrit et ses mystères dans son paquetage d’aventurière et dirigea résolument ses pas vers les lointaines Cimes Froides.

Les Cimes Froides : un lieu magique, où s’élèvent nonchalamment des montagnes majestueuses indifférentes aux petits conflits déchirant humains, nains, charrs ou mursaats… Là, toute créature ne peut que se sentir petite, écrasée par tant de magnificence. Mais, comme bien souvent, la beauté côtoie le danger. Le voyageur inconscient peut y trouver la paix, mais aussi la mort. Les Cimes Froides sont rudes, tant par le climat que par le caractère de ses habitants. C’est au cœur de ces montagnes que se cache la capitale des nains. Véritable rempart contre le froid infernal et les créatures de tous poils, Droknar est un havre de paix pour tous les amis des Nains.

Isis avait aimé dès le premier abord cette cité aux délicieux décors : la neige recouvrant tout d’un épais tapis moelleux, le givre étincelant ornant le toit des chaumières, les boutiques vaillamment ouvertes sur le froid mordant et les intempéries, le caractère rude mais néanmoins accueillant des nains. Cette ville était calme et lui faisait vaguement penser à sa chère Ashford : l’atmosphère était ouatée, comme enveloppée dans un cocon sécurisant. C’était bien loin du désespoir d’Ascalon ou de l’effervescence de l’Arche du Lion. Isis savait trouver ici la sérénité propice à une bonne lecture. Elle parti en quête d’une thébaïde qu’elle affectionnait particulièrement, qui, à chacune de ses escales à Droknar, semblait lui être réservée. Là, elle prit place sur un rocher à l’abri du vent glacial, s’emmitoufla dans sa chaude cape de laine et commença enfin sa lecture. Durant plusieurs heures, elle fut comme coupée du présent ; elle était plongée dans un autre monde rempli de joies, de malheurs, de déceptions, d’émotions. Toute bouleversée par les révélations que recelait ce manuscrit, elle ne put que verser une larme qui gela immédiatement sur sa joue rougie par le froid. L’écrivain était une de ses connaissances qu’elle appréciait tout particulièrement. L’œuvre portait un titre : « Le destin d’Alésia la Moniale ».

Cette histoire, Isis voudrait à présent vous la rapporter, car elle connaît les rumeurs colportées sur sa consoeur. Par un réflexe tout naturel, elle prêtait une oreille honteusement attentive à ces on-dit. Or, maintenant, elle ne peut plus écouter et laisser dire. Elle doit révéler la vérité troublante. Elle doit restituer ce texte dans sa pureté originelle, tel qu’Alésia l’a couché sur le papier à l’encre de ses larmes, afin que la vérité éclate au grand jour.


La suite, ultérieurement...


Dernière édition par le Mer 3 Oct - 13:53, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Histoire d'Alésia la Moniale Ascalonienne   Histoire d'Alésia la Moniale Ascalonienne Icon_minitimeMar 2 Oct - 21:46

Rolling Eyes hummmmmm!! bounce
on attend la suite avec impatience Basketball
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MessageSujet: Re: Histoire d'Alésia la Moniale Ascalonienne   Histoire d'Alésia la Moniale Ascalonienne Icon_minitimeMer 3 Oct - 0:33

chouette ton histoire ^^ tu as du talent Smile
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MessageSujet: Re: Histoire d'Alésia la Moniale Ascalonienne   Histoire d'Alésia la Moniale Ascalonienne Icon_minitimeMer 3 Oct - 13:51

Merci pour ces compliments Embarassed . Et comme promis, un autre bout.


Le Destin d’Alésia la Moniale


Histoire d'Alésia la Moniale Ascalonienne Portra10

Ce matin, j’ai ouvert les yeux sur le jour gris et sale, et je me suis sentie vieille. Je suis jeune encore, pourtant…. Mais j’ai vu tant de choses qui n’auraient pas dû être, j’ai vécu tant d’événements qui n’auraient pas dû se produire. Peu à peu, j’ai perdu mon innocence, sans m’en rendre compte. Aujourd’hui, je suis comme une coquille vide. Je voudrais encore espérer, mais comment faire dans ce chaos qu’est devenu le monde ? Comment croire à un jour meilleur quand tout est si noir ?...

Je sais que je ne devrais pas avoir ces pensées : ce n’est pas compatible avec ma profession. Si les moines se mettent à désespérer, c’est la fin. Nous sommes censés protéger la vie coûte que coûte, nous nous devons de croire en ce que nous faisons, sans quoi nous ne sommes plus bons à rien. Mais ce que mes confrères et consœurs parviennent à faire naturellement (croire en un avenir, croire en l’humanité), je suis désormais incapable de le faire. Peut-être est-ce à cause de mon histoire personnelle ?... Je ne sais pas…

Ce que je sais, c’est que ce matin, un terrible pressentiment enserre mon cœur et m’étouffe. Serait-ce le dernier jour de mon existence ? Si c’est bien cela, il faut absolument que j’exprime mes sentiments, que je révèle ce que je suis réellement. Je veux être en paix avec moi-même au moment de recevoir le baiser de bienvenue de Dwayna. Je dois tout dire. Mais, m’écoutera-t-on ?... J’en doute : que représentent les états d’âme d’une petite moniale sans envergure aux yeux d’un impitoyable guerrier, d’un farouche rôdeur et d’une nécromante taciturne ?

Je ne vois qu’une solution. Il me reste quelques feuilles de parchemin, une belle plume de tengu, trouvée dans la mystérieuse Kryte, et un fond d’encre. Je vais coucher sur le papier ce que ma bouche ne peut révéler. Celui qui aura ce document entre les mains connaîtra Alésia comme personne ne l’a jamais connue. Puisse ce lecteur inconnu être bienveillant envers une jeune femme égarée !

Je pense que, pour faire comprendre qui je suis réellement, je dois avant tout parler de mon enfance. Mes yeux se sont ouverts pour la première fois dans le Comté des Vertes Vallées, dans une chaumière du domaine de Barradin. Je suis venue au monde dans l’indifférence la plus complète. Dernière-née d’une fratrie de treize enfants, je n’étais qu’une bouche de plus à nourrir pour mes parents. Je ne me souviens d’aucun geste tendre de ma mère, d’aucun regard affectueux de mon père, encore moins d’un quelconque soutien de mes frères et sœurs bien plus âgés que moi.

Ma famille était au service du duc de Barradin depuis des générations. Mon père et ses huit fils travaillaient sans relâche dans le vignoble réputé de notre maître, tandis que ma mère et ses filles étaient embauchées dans les cuisines du duc. Dès que je fus en âge de tenir debout, je dus moi aussi remplir ma part de dur labeur. Je me levais à l’aube et me couchais avec le soleil. Entre temps, je nettoyais des plats, ramenais de l’eau, cueillais des herbes et des légumes, aidais tous ceux qui le réclamaient. Mes mains d’enfant n’ont jamais connu de jouets ; elles étaient aussi abîmées que celles de ma mère et mes sœurs. Mais je ne disais rien. En obéissant aveuglément à tout, j’espérais recevoir une once d’affection maternelle, un rien d’approbation paternelle. C’était peine perdue ! Mes parents étaient déjà âgés quand je suis née, leurs autres enfants étaient déjà grands et donc utiles. Moi, je suis arrivée par hasard, une fille de plus à doter, et – ô comble du malheur – treizième enfant du foyer. Mes parents m’ont immédiatement associée à un oiseau de mauvais augure, une petite chose inutile qui ne leur causerait que des embarras.

Il faut dire que je n’étais pas aussi robuste que mes frères et sœurs. J’étais plutôt fluette, je n’avais pas hérité de la nature solide de mes ancêtres. Par une anomalie bizarre, je ressemblais davantage à une petite noble qu’à une fille de cuisine. Mon teint était pâle, mes cheveux bouclés et blonds comme les blés, les traits de mon visage fins, mes épaules et ma taille étroits. Je n’avais rien de commun avec mon père, grand gaillard au poil noir, ni avec ma mère, solide paysanne au teint basané. Peut-être est-ce pour cela que je n’ai jamais été aimée d’eux ? Du moins est-ce une des raisons… Je n’étais pas à leur image, et cela me convenait tout à fait. Je n’aimais pas être la fille d’un vigneron, ni travailler dans une cuisine. Cependant, je n’enviais absolument pas la vis des jeunes nobles que j’apercevais parfois. Je ne savais pas qu’elle tait ma place dans le monde, et cela m’effrayait…

Mais je divague et m’égare dans les tristes méandres de mes souvenirs. Pour comprendre ce que je suis aujourd’hui, il suffit simplement de savoir que j’ai passé mon enfance à obéir sans broncher dans le vain espoir d’être aimée.

Or, un jour, tout a changé dans ma vie. Je n’oublierais jamais cette tempête qui vit venir à moi le Frère Paulus ; je ne bénirais jamais assez la Providence qui le fit choisir notre maison pour demander l’hospitalité. Il arriva en fin d’après-midi, trempé jusqu’aux os. Voyant la nuit tomber et la pluie forcir, il avait décidé de faire halte dans notre hameau. Il n’avait pas voulu se rendre jusqu’au manoir du duc, car il n’aimait pas les banquets interminables et les mines pincées des nobliaux. Il n’était bien que parmi le petit peuple, au milieu de gens simples et honnêtes se contentant du peu qu’ils avaient.

Mes parents l’avaient accueilli comme il se doit. On peut dire ce qu’on veut sur leur compte, mais l’hospitalité était pour eux une chose sacrée, un devoir qu’il fallait honorer en toute circonstance. Nous n’étions alors plus que neuf à la maison : mes parents, un de mes frères avec son épouse et leur nouveau-né qui n’avaient pas encore fini de construire leur demeure, les deux garçons les plus jeunes - les jumeaux de 23 ans – et une de mes sœurs âgée de 18 ans qui n’étaient pas encore mariés, et moi-même qui n’avait vécu que 10 printemps. Tous les autres avaient fondé un foyer et vivaient dans la campagne environnante. Quoiqu’il en soit, chacun vaquait à ses occupations, qui à broder, qui à tourner la marmite, qui à tailler des bouts de bois, qui à boire une cervoise en regardant les autres travailler. Quant à moi, comme à mon habitude, j’étais sollicitée à droite et à gauche, chacun voulant me voir occupée : l’une me demandait d’aller chercher tel fil, une autre m’ordonnait de peler quelques légumes, un autre encore me reprochait ma lenteur à nettoyer les éclats de bois parsemant le sol. Bref, c’était un jour ordinaire, si ce n’est que Frère Paulus, son bol de bouillon brûlant en main, ne cessait de m’observer. Je sentais son regard pénétrant suivre le moindre de mes mouvements.

Je fus soulagée quand il fut l’heure de se coucher. Comme nous n’avions que deux chambres, on me coinça dans un lit avec ma mère, ma sœur, ma belle-sœur et son bébé. Les hommes de la famille allèrent dans l’autre chambre, et Frère Paulus fut installé dans la pièce à vivre, sur une paillasse devant la cheminée où subsistaient encore quelques braises bien appréciables. Je passais une bonne partie de la nuit à penser à ce moine au regard si acéré. Que faisait-il dans la région ? Comment vivait-il ? Pourquoi m’avait-il observée toute la soirée durant ? Il était si étrange avec sa tonsure tatouée et sa tenue de bure marron… A l’aube, ne supportant plus les ronflements de ma mère et la moiteur du lit occupé par tant de femmes, je me levai dans l’intention d’aller puiser de l’eau pour le petit-déjeuner. J’avais pris l’habitude de faire les choses avant qu’on me le demande : cela m’évitait bien des ennuis. J’entrai sur la pointe des pieds dans la pièce principale, à la manière d’une petite souris discrète, certaine de ne pas réveiller notre hôte. Mais, comme j’arrivai à la porte de la chaumière, j’entendis un léger bruissement et la voix chaleureuse du moine m’interpella :
« Comment t’appelles-tu, jeune fille ? Et que fais-tu debout si tôt, avant tout le monde ? »
Je lui répondis timidement, n’ayant pas pour habitude de parler beaucoup. Il voulut me suivre dehors. N’y voyant pas d’inconvénient et ne comprenant pas pourquoi il demandait ma permission, j’opinai du chef.

Et près du puits, dans le jour détrempé après la tempête de la veille, nous nous mîmes à bavarder. Il m’expliqua patiemment ce qu’était sa vie, me posa des questions sur la mienne. Très vite, la petite fille incomprise et mal-aimée que j’étais fut conquise par le charisme et la bienveillance de Frère Paulus. Je ne vis pas le temps passer. Tout le monde était levé quand ma mère m’appela avec la voix stridente qui n’annonçait rien de bon : je n’avais rien fait dans la maison depuis que j’étais debout. Avant que je ne file me faire gourmander, le moine me posa une dernière question. Je restai un moment interdite devant l’énormité de sa proposition. Puis, lentement, mes lèvres se retroussèrent en un large sourire et j’acquiesçai.

Alors, nous rentrâmes de concert dans la maison éveillée. J’étais sereine, sans crainte des représailles, heureuse pour la première fois de ma vie. Frère Paulus parlementa longtemps avec mes parents, ils ne se laissèrent pas convaincre facilement, du moins en apparence. Finalement, après bien des tergiversations et contre un e rémunération bien mince à dire vrai, ils consentirent à m’abandonner. Le moine pourrait faire ce qu’il voulait de moi. Alors, mon cœur s’envola, tout allait changer pour moi.
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MessageSujet: Re: Histoire d'Alésia la Moniale Ascalonienne   Histoire d'Alésia la Moniale Ascalonienne Icon_minitimeMer 3 Oct - 21:55

geek gg aurélia cheers
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MessageSujet: Re: Histoire d'Alésia la Moniale Ascalonienne   Histoire d'Alésia la Moniale Ascalonienne Icon_minitimeVen 5 Oct - 14:42

J'Ai enfin pu lire ta deuxieme partie ! woah vraiment génial 1 jai hate de lire la suite.
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MessageSujet: Re: Histoire d'Alésia la Moniale Ascalonienne   Histoire d'Alésia la Moniale Ascalonienne Icon_minitimeVen 5 Oct - 18:00

C’est ainsi que ma vie commença. Nous partîmes dans la matinée, sans un regard en arrière, dans l’indifférence la plus complète. Tous étaient contents. Mes parents étaient débarrassés de leur enfant haïe, et moi, je conservais en mon cœur un trésor précieux : la promesse solennelle de devenir quelqu’un, et pas une obscure fille de cuisine sans avenir. Frère Paulus, impressionné par mon ardeur au travail et ma maturité, mais aussi ému de me voir errer dans un tel désert affectif, avait décidé de me prendre sous son aile et de me conduire jusqu’à l’abbaye d’Ashford, là où je serais instruite et où je pourrais embrasser la carrière ô combien valorisante de moniale. Pour la première fois de mon existence, je quittai le Comté des Vertes Vallées, en route vers une vie pleine d’aventures et de reconnaissance : j’étais heureuse et c’était un sentiment tout nouveau. Jamais plus je ne vis ma famille naturelle et je ne le regrette pas.

Quand j’arrivai au village d’Ashford, je trouvai tout ravissant. Pourtant, le paysage ne différait pas tant que cela de celui que je quittais. La seule différence notable était que le domaine de Barradin était couvert de vignes quand Ashford affectionnait les champs de culture. Ce qui m’impressionna le plus fut à n’en pas douter la grande cascade qui mouillait les pieds du paisible village. Sa hauteur était vertigineuse et l’eau tombait en une myriade de perles lumineuses. Des cochons et des oiseaux moas vagabondaient librement entre les maisons au toit de chaume et les paysans affichaient l’air satisfait de gens heureux et prospères. Peut-être est-ce mon récent bonheur qui me faisait tout voir sous un jour merveilleux. Il n’en reste pas moins que, dès le premier coup d’œil, je tombai irrémédiablement amoureuse de la région, et ce avant même de voir l’abbaye.

Mais, quand j’entrai enfin dans ce qui allait être désormais ma demeure, je fus saisie de ravissement. C’était un véritable havre de paix. Les moines et moniales se déplaçaient à pas feutrés en parlant bas. On n’entendait que le bruit harmonieux d’un fontaine, dédiée à la déesse aimée de la profession, Dwayna la Douce. Je ne connaissais pas vraiment cette divinité, mais quand je vis ses traits empreints d’amour et ses ailes protectrices, j’eus l’impression d’être en présence de la personnification même de la Mère. Un instant d’éternité – quelques secondes en fait – j’eus la certitude que la statue s’était éveillée et avait posé son regard aimant sur moi : je sus alors que je la servirai avec bonheur toute ma vie, je sus que le métier de moniale était fait pour moi. Enfin, j’avais trouvé ma place et mon âme tourmentée se calma alors.

Durant plusieurs années, j’appris tout ce que je devais savoir : comment entrer en contact avec le divin pour avoir sa faveur et être plus puissante, comment protéger et guérir par la ferveur de mes prières, mais aussi comment châtier quand il le fallait. Je m’exerçais, avec d’autres apprentis, sur des morts-vivants que nous prêtaient les inquiétants nécromants des Catacombes voisines. J’étais bonne élève et mes professeurs, Frère Paulus et le scribe Meerak, étaient contents de mes progrès. Ce qui me fascina le plus dans mon apprentissage fut sans nul doute la philosophie des habitants de l’abbaye. Pour pouvoir protéger et guérir, il était nécessaire, vital pour un moine d’aimer chaque être vivant de la même façon, sans juger ses actes ou ses pensées. La magie des moines reposait essentiellement sur l’amour qu’ils étaient capables de donner. Après tout, ils vénéraient Dwayna, la déesse de la vie, et à ce titre ils se devaient de respecter la vie, de la protéger vaille que vaille. On racontait même que certains moines débordant d’amour étaient si puissants qu’ils pouvaient se permettre de rendre à leurs compagnons la vie perdue violemment. Bien sûr, j’étais encore très loin de cette performance. Mais, il me semblait facile d’aimer chacun avec la même intensité. J’avais été tellement privée d’affection dans mon enfance que j’offrais mon cœur à tous ceux que je voyais, que je les connaisse ou non.

Vint enfin le jour où mes études prirent fin, j’étais prête à jurer fidélité à Dwayna, à lui vouer ma vie. Toute empreinte de mes connaissances et de la philosophie de mes frères, je décidai d’offrir à la déesse la chose que j’appréciais le plus en moi : mes boucles blondes. Quand certains ne se rasaient qu’une partie de la chevelure, moi, je sacrifiai tout. Mon crâne blanc fut tatoué de symboles sacrés que seuls les initiés comprenaient et qui me conférèrent un plus grand pouvoir de guérison.

Puis, je partis sur les routes, en quête de personnes à aimer et aider, jusqu’à ce que je rencontre le prince Rurik. Il me prit à son service et nous devînmes amis. J’avais alors 20 ans, et j’aimais tout le monde à la manière d’une grande sœur soucieuse du bien-être de chacun. Je vécus presque deux années dans la belle Ascalon, si riche, si rayonnante, capitale de beauté et de connaissances, renfermant en son sein la prestigieuse Académie. Là, j’acquis de nouveaux savoirs, je gagnai en assurance.

Et puis, un jour, tout cessa. La joie s’évanouit, mourut. Sur ses cendres naquit le chaos, engendré par ces maudits Charrs avides de sang. Un jour, je dus mettre en pratique ce que j’avais appris sur les prières de châtiment ; je dus me battre pour protéger ceux que j’aimais ; je dus donner la mort pour sauver la vie… Et tout changea…. Je changeai…
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MessageSujet: Re: Histoire d'Alésia la Moniale Ascalonienne   Histoire d'Alésia la Moniale Ascalonienne Icon_minitimeVen 5 Oct - 19:09

Sad émouvante la fin des paragraphes Sad
j'espère que la suite est moins triste Sad
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MessageSujet: Re: Histoire d'Alésia la Moniale Ascalonienne   Histoire d'Alésia la Moniale Ascalonienne Icon_minitimeMar 16 Oct - 13:39

Je ne pouvais plus aimer toutes les créatures de la même façon. C’était devenu impossible… Comment aimer ces Charrs massacrant des enfants pour le plaisir, mutilant des femmes par jeu et tuant des soldats par soif de sang frais ? Comment aimer ces brigands et malandrins profitant sans vergogne du chaos pour prendre à de pauvres âmes le peu qu’il leur restait encore ?... Après la Fournaise qui a balayé tant de vies, je me suis mise à renier la philosophie que les moines m’avaient inculquée ; j’ai appris un nouveau sentiment, quelque chose de terrible, de terrifiant : j’ai appris la Haine… Jamais aucun moine, à ma connaissance, n’a avoué être victime de ce sentiment. C’est une honte infamante, un aveu de faiblesse ! Je puis le confesser : éprouver cette haine torturante m’a ôté mon pouvoir. Aveuglée que j’étais par toutes les souffrances auxquelles j’assistai impuissante, je devins une bien piètre moniale, à la vérité. Dans le feu des combats, j’essayais tant bien que mal de ma battre, tout en oubliant assez souvent de soigner mes frères d’armes. Quant aux prières de protection, je devins incapable de les réciter, je ne voyais plus leur utilité. Et quand je voulais redonner la vie à ceux qui avaient échappé à ma vigilance émoussée, cela me vidait de mes forces et me laissait pantelante.

Dans le rang des armées royales, où je m’étais enrôlée dès le début des hostilités, on commença à se moquer de moi. Je n’étais plus bonne à rien et les quolibets quotidiens me pesèrent bien vite sur le cœur. Aussi me résolus-je à quitter mon poste. J’obtins le consentement du prince Rurik, qui me conservait toute son amitié malgré ma situation.

Ainsi – j’ai honte de le dire – je fuis mes responsabilités. Or, ce n’était pas par lâcheté ; je n’avais pas peur du combat. Ce qui m’effrayait au-delà du possible était mon incapacité à aimer. Dans ma haine pour les créatures du mal, j’avais oublié l’amour. Beaucoup de ceux que je chérissais étaient morts dans la Fournaise, et il me semblait inutile d’aimer des êtres qui ne verraient peut-être pas la lumière du lendemain. C’était pour cela que j’étais si faible, si inutile !... Un moine amputé de l’amour n’était plus rien.

Toutefois, je ne voulais pas me cacher lâchement. Je désirais encore défendre ce qui méritait de l’être. Je me fis donc mercenaire. Ce n’était pas les héros qui manquaient à Ascalon. Tous voulaient la même chose : la gloire de contribuer à la chute des Charrs, à la défaire du mal. Mais, tout forts qu’ils étaient, ils ne pouvaient se permettre de combattre seuls, ils avaient besoin de compagnons dans leurs sanglantes aventures. Ainsi, je vendis mes services dans l’espoir de voir renaître ce qui me faisait tant défaut.

Je vécus ainsi quelques temps, toujours en proie à une haine inextinguible envers les Charrs et tous leurs alliés démoniaques. Je fis équipe avec toutes sortes de héros : des sanguinaires et des prétentieux, des suicidaires et des peureux, des tortionnaires et des courageux, des amers et des joyeux. J’ai tout vu, le meilleur et le pire. Et dans mes pérégrinations sans fin, j’ai rencontré d’autres mercenaires, exerçant ce métier pour diverses raisons : soif de vengeance, soif d’aventures, soif d’or, … Ma vie consistait en bivouacs inconfortables, tueries sans nom, quêtes ineptes. J’étais bien loin de l’avenir si brillant dont je rêvais la nuit dans mon abbaye regrettée. Je m’éloignais chaque jour un peu plus de mes idéaux, je me défaisais de mes attributs de moniale et devenais une combattante sans passion ni but.

Mais le destin voulut encore me jouer un tour et vint à nouveau chambouler ma vie. Alors que je prêtais main forte à la place Piken assiégée par une horde de Charrs, je fis la connaissance d’un homme, un mercenaire, comme moi. Jusque là, je n’avais rencontré que des rustres comme Stephan le combattant, cet ours sans aucune éducation. Mais lui, il n’était pas comme les autres. Quand je le vis, si élégant, si distingué, ce bel envoûteur, mon cœur cessa de battre une seconde d’éternité. Puis il me vit, sourit avec charme et je revins à la vie. Il s’appelait Dunham et voulait voir du pays tout en aidant ceux qu’il croisait. Il était bel homme, avec un regard de braise et des manières raffinées. Il séduisit instantanément l’adolescente sommeillant au fond de moi. Il me dit que j’étais belle, que j’avais quelque chose de particulier, d’émouvant. Je n’avais aucune raison de ne pas le croire. Il était le premier à me parler avec ces mots, avec cette tendresse. C’est ainsi que mon cœur s’ouvrit à nouveau à l’amour, en oubliant un peu la haine étouffante qui me consumait.

On croit souvent que les moines et moniales se doivent de vivre seuls et prônent le célibat. Ce n’est pas vrai. Aucune règle, aucune loi ne nous oblige à la solitude. Nous pouvons entretenir des relations intimes avec une personne et même nous marier. Cependant, cela se produit rarement, du fait de notre philosophie. Comme nous devons aimer chacun avec la même intensité, il nous est très difficile de voir quelqu’un comme autre chose qu’un frère ou une sœur. Nous n’avons pas la possibilité de nous consacrer entièrement à un seul être. Voilà pourquoi ceux de notre profession désirant se marier quittent leurs responsabilités et deviennent des gens normaux : ils se considèrent comme déchus du droit d’exercer la fonction de moine, parce qu’ils aiment une personne plus que les autres.

Mais moi, j’étais un cas à part. J’étais fermée à l’amour et donc une moniale agonisante. Ma rencontre avec Dunham a changé cet état. Cet homme, par sa tendresse et sa passion, a déverrouillé les portes de mon cœur et une puissante vague d’amour a déferlé sur ma haine et l’a noyée. Tout mon pouvoir est revenu d’un coup, je l’ai senti pulser dans tout mon être : j’avais retrouvé la Grâce.

Mon envoûteur et moi-même ne nous quittâmes plus. Nous formions une équipe puissante, capable de défaire les plus vils généraux Charrs. Nous n’étions plus que passion dévorante : passion l’un pour l’autre, passion pour tuer le mal, passion pour aider et protéger le peuple d’Ascalon. Soucieux de la santé de nos compatriotes, nous décidâmes de suivre Rurik dans son fol exode. Même sa mort tragique ne déstabilisa pas mon amour retrouvé. Je fus triste de sa disparition, mais j’avais retrouvé mon intégrité de moniale grâce à l’amour d’un seul homme.

Et cet homme en qui j’avais confiance, qui m’avait fait renaître de mes cendres tel le phoenix, me poignarda et m’ôta tout ce qu’il m’avait rendu. Dunham l’envoûteur tua Alésia la moniale : c’est aussi simple que cela. J’avais été si naïve, je l’avais cru alors qu’il ne faisait que jouer avec moi. J’avais été une proie bien facile à appâter pour un si grand séducteur. Il jeta son dévolu sur Reyna l’archère. Que pouvais-je bien faire contre cette splendide créature au corps souple comme une liane, à la chevelure aussi légère que le vent et aux doux yeux de biche ?
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